6/03/2011

L'histoire éternelle d'une jeune fille à la croisée des chemins et des âges


Voici quelques conseils de lecture pour tous les vilains gamins qui n'ont pas peur des histoires monstrueuses, des contes populaires d'autrefois. Fin connaisseur de la tradition orale, Jean-Jacques Fdida a dépoussiéré l'ancienne histoire d'une jeune fille à la croisée des chemins et des âges pour mieux en révéler saveur et face cachée et a débarrassé le conte des sempiternelles niaiseries douceâtres qu'on tente sans cesse de faire avaler à nos vilains gamins afin de les engraisser de mensonges idiots. Eh bien oui, les carottes ça ne rend pas aimable et la soupe ça ne fait pas grandir... Ici, on est loin des livres qu'on retrouve un peu trop souvent dans les rayons des libraires inondés de classiques édulcorés. 

Le Petit Chaperon rouge ou La Petite Fille aux habits de fer-blanc
Collection Contes du temps d'avant Perrault, c'est chez Didier Jeunesse !
 
Quel chemin vas-tu prendre ? Le chemin des aiguilles ou le chemin des épingles ? L’éternelle histoire d’une fille à la croisée des chemins… Loin des versions édulcorées diffusées depuis Perrault, voici un petit chaperon rouge authentique et savoureux. Les motifs disparus au fil du temps, le cannibalisme et l'art de la séduction, sont réintroduits par l'auteur, désireux de restituer la force du conte d'avant Perrault. Dans une langue savoureuse et musicale, empruntant au vieux français, on relit cette histoire de toujours avec un plaisir mêlé d'étonnement. Une édition inédite et raffinée, sublimée par les images mystérieuses de Régis Lejonc. Avec une préface de Bernadette Bricout.

SUR LES TRACES DU PETIT CHAPERON ROUGE

Il y eut des contes avant Perrault qui ont su traverser les siècles, portés par la parole humaine, transmis de la bouche à l'oreille, façonnés par la voix et polis par l'usage. D'où viennent-ils ? De la nuit des temps. Qui les créa ? La bouche d'ombre. Sans doute sont-ils issus des peurs immémoriales. Pour apprivoiser le torrent, le volcan, l'orage, l'océan en furie, pour attendre le retour du soleil que la nuit engloutit, les hommes ont inventé des histoires. Elles ont circulé sur la terre, elles l'ont ensemencée, elles ont nourri la vie.

Il y eut des contes avant Perrault qui furent longtemps méprisés : «On appelle "contes au vieux loup" de vieilles fables dont on entretient les enfants et les vieilles gens. Des contes ridicules.» Ainsi parle le Dictionnaire de l'Académie, paru en 1694, trois ans avant la première édition des Contes de Perrault. Notre Petit Chaperon rouge, dont on a recueilli dans le monde au XIXe et au XXe siècle des centaines de versions, de la France à la Chine, est bien l'un de ces contes de bonnes femmes, contes à dormir debout, «contes de ma mère l'Oye», présentés comme tout juste bons à amuser les exclus de la vie active, les vieillards et les petits enfants.

C'est faire bien peu de cas de ces récits. Ils furent et ils demeurent, ne nous y trompons pas, une récréation, une école de vie, une morale, une mémoire, une sagesse. Mais il y a en eux une liberté, une force de subversion que l'on oublie souvent. Ainsi, qui se souvient que l'héroïne des versions populaires du Petit Chaperon rouge mange la chair et boit le sang de sa grand-mère, se livre à un véritable strip-tease devant le loup avant de découvrir le corps de celui-ci dans son étrangeté troublante et se libère in extremis grâce à une ruse scatologique ? De ce récit dans lequel on ne voit souvent qu'un conte d'avertissement sur les dangers de la désobéissance, Charles Perrault a exclu les motifs qu'il jugeait trop hardis, ceux qui auraient choqué la société de son époque. Les contes oraux d'avant Perrault avaient cependant une saveur, une verdeur, une couleur que Jean-Jacques Fdida dans cette version nouvelle et pourtant très ancienne s'est attaché à restituer. Sa grande connaissance des sources populaires autant que sa pratique de conteur ont nourri cette adaptation, dont les motifs, les rythmes, les rimes, les formulettes sont liés à une conception exigeante de fidélité à la tradition orale. 

Bonne lecture, chers vilains gamins ! 

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